Lacroix et la manière
Les qualités athlétiques des Bleus sont un de leur atout majeur, entretenues au quotidien par le préparateur physique, Manuel Lacroix, et sa collection de programmes individualisés.
Les yeux et le prénom d’un latin lover, Manuel. Patronyme cependant abandonné par les joueurs et le staff pour lui préférer le diminutif d’un pote à santiag, Manu. Le préparateur physique de l’ASVEL, Manuel Lacroix (41 ans), a rejoint les Bleus au lendemain des Jeux Olympiques de Tokyo. Un nouveau visage dans le staff au parcours iconoclaste mais à l’expertise reconnue dans son domaine. Aux côtés de Marion Bartoli au tennis, des patineurs de vitesse à Salt Lake City, des enfants des townships en Afrique du Sud, d’une équipe de football de troisième division japonaise sur l’île d’Okinawa, l’Auxerrois aura pioché dans ses différentes expériences les méthodes qu’il applique désormais à Villeurbanne et en Équipe de France.
Un mode de fonctionnement qu’il doit adapter à la réalité d’une équipe nationale réunie sur de courtes périodes. Le mythe d’une préparation physique lourde avec pour objectif d’être prêt plusieurs semaines plus tard peut être définitivement remisée au placard. Les internationaux ne sont réunis que 28 jours avant que la compétition ne commence et entre les entraînements, la récupération et les voyages, le temps est compté. "Le plus important c’est ce que les joueurs ont fait en amont", tranche d’entrée Lacroix. "Le joueur est moteur et reste responsable de son succès ou de son échec. Si quelqu’un arrivait hors de forme, ce serait très compliqué." 15 jours avant le rassemblement, il prend ainsi contact avec les joueurs et leur staff personnel pour évaluer le travail déjà entrepris. Une revue d’effectif qui lui permet de mettre en place un plan d’action et des protocoles individualisés.
L’ensemble est réalisé en étroite collaboration avec le staff médical. Toutes ses séances sont rentrées quotidiennement dans un logiciel également utilisé par les ostéopathes et kinésithérapeutes pour y lister les soins et les pathologies traitées. Une douleur au pied, un adducteur qui tire, une pubalgie tenace et Lacroix adapte son suivi à une problématique nouvelle. Un travail à la carte d’autant plus réel que chaque joueur possède son rapport personnel à la préparation physique. Si Rudy Gobert le rejoint chaque jour pour une séance de musculation individuelle, d’autres privilégient les rendez-vous collectifs. "La plus grande difficulté est structurelle", estime Lacroix à propos d’une organisation dépendante des infrastructures à disposition lors de chaque déplacement. Au Japon, le superbe complexe Ariake bénéficiait d’une infrastructure complète permettant aux Bleus d’effectuer 30 à 40 minutes de musculation dans une salle attenante au parquet. A Jakarta, c’est directement à leur hôtel qu’ils pourront s’entretenir : "Sur ces séances ce sont des garçons très autonomes. On parle le même langage. Quand on leur dit activation fessiers, ils savent… On peut aller plus loin et plus vite qu’en club où parfois des joueurs n’ont pas cette culture physique."
Reste enfin le délicieux programme de mise en route physique à chaque entraînement, fonction là encore des enchaînements prévus par les techniciens. Des échauffements sans ballon unanimement ou presque détestés par les joueurs mais indispensables à la prévention des blessures, tout comme les routines individuelles. "Je ne suis pas quelqu’un d’original", avance Lacroix. "Certains font beaucoup de jeux. Mais dans ce cas il faut changer de métier. Je ne suis pas GO au Club Med. Je pense qu’on peut faire des choses qui paraissent ennuyeuses mais transmises avec une dynamique différente sur le terrain."
Les avions de chasse français sont alors prêts au décollage, continuant d’impressionner l’ancien footballeur de bon niveau et qui entraîna même un temps le centre de formation de Dijon. "Ce qui m’a frappé, mis à part les physiques hors norme, c’est la manière dont le joueur de basket passe de rien à tout. Il est sur le banc, le coach l’appelle, le gars se lève et immédiatement sprinte et saute à très haut niveau. Ça n’existe pas dans les autres sports où les joueurs s’échauffent. Cette faculté mentale et physique, je me suis longtemps dit, ce n’est pas possible."